JEAN-LOUIS BARRAULT,
LE FUNAMBULE ÉCARLATE
Le comédien, metteur en scène et directeur de théâtre français est né le 8 septembre 1910 au Vésinet et mort le 22 janvier 1994 à Paris.
Jean-Louis Barrault a marqué de sa personnalité polymorphe et généreuse l’imaginaire théâtral, mais aussi par ses rôles mythiques au cinéma. Avec la Compagnie qu’il crée dès la fin de la guerre avec son épouse et comédienne Madeleine Renaud, il effectuera plusieurs fois le tour du monde, portant haut les couleurs du Théâtre français dans le cadre de tournées prestigieuses avec sa fidèle troupe de comédiens. Animateur infatigable, penseur du théâtre, mime et créateur-metteur en scène de quelques-uns des plus importants dramaturges de son époque (Paul Claudel, Marguerite Duras, André Gide, Albert Camus, Samuel Beckett ou Nathalie Sarraute), il n’a cessé d’enrichir le répertoire théâtral par des partis pris esthétiques et humanistes profondément engagés, faisant de lui un inoubliable homme de théâtre passionné.
LE FUNAMBULE ÉCARLATE
un spectacle en hommage à Jean-Louis Barrault,
créé à Paris à l’occasion
du 10e anniversaire de sa disparition [2004]
Conception, livret, musique originale, direction musicale :
Patrick Crispini
avec Jean Desailly et Simone Valère, récitants
Acteurs, danseurs, mimes, solistes de
European Concerts Orchestra
Scénographie, mise en scène : collectif MIMENSCÈNE
…et les voix de Jean-Louis Barrault, Samuel Beckett, Pierre Bertin,
Pierre Boulez, Pierre Brasseur, Marcel Carné,
Maria Casarès, Paul Claudel, Jean Cocteau, Charles Dullin,
Marguerite Duras, Charles De Gaulle, Edwige Feuillère, Jean Genêt,
Arthur Honegger, Eugène Ionesco, Maurice Jarre,
Louis Jouvet, Marcel Landowski, André Malraux,
Marcel Marceau,Charles-Ferdinand Ramuz, Madeleine Renaud,
Nathalie Sarraute…
L’idée de ce spectacle était déjà fort avancée, lorsqu’en janvier 1994 Jean-Louis BARRAULT quitta les tréteaux d’ici-bas pour rejoindre à 84 ans les Enfants du Paradis…
La disparition de celui que Simone VALÈRE appelle affectueusement mon petit patron a été ressentie dans le monde entier comme la fin d’une des plus resplendissantes épopées du Théâtre mondial. À l’instar d’un Laurence OLIVIER ou d’un Orson WELLES, de Louis JOUVET en France, Jean-Louis BARRAULT a incarné la vie même du Théâtre, ses errements, ses victoires, son humaine condition. Avec sa méfiance innée des opportunistes et des modes, mais avec un bon sens hérité de ses racines terriennes, l’aventure qu’il a projetée aux quatre coins du monde et fait partager aux comédiens prestigieux de sa troupe avait commencé dans le Cartel, en plein Surréalisme et a duré près de 50 ans. Qui dit mieux ? Cet esprit de troupe, cette volonté de ne jamais enfermer le Théâtre en d’autres frontières que celles du cœur et de la communion de pensées – de la ferveur partagée – BARRAULT en a fait son fer de lance et la source inépuisable de sa colossale énergie. Ses trois devises, parmi d’autres réflexions dont la profondeur est à redécouvrir aujourd’hui, pourraient résumer la quête de ce saltimbanque enflammé :
Après le compagnonnage avec Charles DULLIN au Théâtre de l’Atelier, puis un séjour mouvementé à la Comédie Française, l’aventure commence véritablement au Petit Marigny juste après la fin de la seconde guerre mondiale avec l’âme-soeur et compagne pour toujours, Madeleine RENAUD, enlevée à une vie et une carrière trop bourgeoise par ce saltimbanque échevelé.
Parcours incroyable, toujours remis sur le métier, contraint aux déménagements perpétuels, de Marigny au Palais-Royal, de l’Odéon à la Gare d’Orsay (quand elle n’était pas encore devenue musée…) et enfin, après plusieurs tours du monde et des centaines de milliers de kilomètres parcourus sur les cinq continent avec la Compagnie Renaud-Barrault, devenue Théâtre de France (par la grâce d’André Malraux qui, après les avoir soutenu les ignorera après les événements de Mai-68 !), vers le Théâtre du Rond-Point, ancien Palais de glace (qui se trouve… à 200 mètres du théâtre des débuts !), où s’achève cette trajectoire exceptionnelle.
Grâce au principe de la troupe et de l’alternance, des centaines de créations et de montages pluridisciplinaires (comme on dit maintenant), de productions consacrées aux grands classiques grecs, à Shakespeare, à Molière, à Feydeau ou à La Fontaine, ont donné un port d’attache aux plus grands créateurs de notre temps : Balthus, Masson, Genêt, Beckett, Duras, Boulez, Honegger, Nathalie Sarraute…
Ce terreau (Barrault aimait bien parler paysan. Ne disait-il pas avoir créé son théâtre à l’image d’une ferme en plein Paris ?) a toujours favorisé les jeunes pousses et est devenu le creuset des idées et des confrontations, à l’instar de la vie même : par sa curiosité insatiable, son appétit de nouveaux textes, il a nourrit la langue et élargi les horizons de la tolérance et de la pensée. Mais cette volonté farouche se heurta plus d’une fois aux conformismes politiques et tacticiens. La Compagnie déménagea 15 fois, perdit son magasin de costumes et de décors lors de l’occupation de l’Odéon en 68, dont certains de la main des plus grands peintres…
Avec mes amis Jean DESAILLY & Simone VALÈRE, compagnons de la première heure de BARRAULT et directeurs du Théâtre de la Madeleine et de la Compagnie qui porte leurs noms, nous avions envisagé ce spectacle comme un témoignage d’amour et d’admiration que nous voulions offrir à Jean-Louis. Le temps ne nous a pas laissé cette chance. Mais nous avons voulu persévérer, avec humilité et ferveur. Grâce à la présence de cet autre grand couple du Théâtre français, à leur engagement de toujours et à leur précieuse expérience, nous avons pu bâtir un hommage tel que nous le voulions. Pas solennel, vivant, vibrant et injecté de talents jeunes, tournés vers l’avenir, dans l’esprit de ce que BARRAULT appelait un laboratoire des possibles.
Et puis nous avons essayé de rendre cette ardeur de vivre qui emportait publics et comédiens, l’engouement pour l’humain, une manière bondissante et animale, le je-ne-sais-quoi de plus qui s’appelle la chaleur humaine et l’action de grâce partagée fraternellement, dans une maison qui n’appartient vraiment, comme dit la sagesse chinoise, qu’à celui qui sait la regarder. Merci donc au FUNAMBULE ÉCARLATE et place au spectacle…
Préface au spectacle – Patrick CRISPINI – Mai 2004
voir : un extrait du film UN CHANT LIBRE à propos de J.L. Barrault, l’homme de théâtre et l’esprit de troupe par Jean Desailly & Simone Valère (© Les Films du Rhin- Transartis Productions) – Image : Jean-Louis Barrault, Pierre Bertin, Madeleine Renaud, Jean Desailly et Simone Valère à la Gare Saint-Lazare en 1956, de retour d’une tournée en Amérique du Sud. Crédits : Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone – Getty