PIERRE BOULEZ

Pierre Boulez, né le 26 mars 1925 à Montbrison et mort le 5 janvier 2016 à Baden-Baden, est un compositeur et chef d’orchestre français.

« J’ai eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises Pierre Boulez en compagnie de Jean Desailly et Simone Valère, ses compagnons de l’époque du Domaine Musical, lorsque Boulez était encore le responsable de la musique de scène de la Compagnie Renaud-Barrault. Là tout le monde l’appelait encore « Boule », et cette amitié, qui a perduré toute leur existence, résista, malgré les divergences de routes et de destins.

On a tout dit et tout écrit sur ce musicien d’exception – « Pape de la musique contemporaine »,« héros et paria », « polémiste stérile », « Hitler de l’Europe musicale », « Stalinien de la musique »… j’en passe et des meilleures !

Pour ma part, je veux d’abord retenir deux choses. En premier, l’incroyable maîtrise de cette oreille implacable et de cette machine à penser, dont la gestuelle de chef d’orchestre, simplifiée à l’extrême, mais d’une efficacité redoutable, redonnait à l’écriture d’une œuvre et à son architecture toute leur clarté, leur limpidité, débarrassée des grandiloquences et des emphases héritées du XIXe siècle. Parfois au dépend, peut-être, il faut bien le dire, d’une certaine émotion…

Il replaçait le compositeur et l’interprète au cœur de l’exigence professionnelle, se battant jusqu’à la diatribe pour cela.

En second, la gentillesse et la fidélité sans faille dont il fit preuve, toute sa vie durant, auprès de ceux qu’il aimait, prenant le soin de les appeler régulièrement pour prendre des nouvelles, de les rencontrer, malgré les contraintes d’une carrière devenue mondiale, et parfois de leur apporter son soutien de cœur.

Je puis en témoigner moi-même : à un moment, les institutions musicales françaises me faisant des misères pour produire un document qu’il m’était impossible de posséder, n’ayant pas effectué mes études en France et celui-ci n’existant pas dans les pays où j’avais fait ma formation musicale, je l’ai vu prendre sans hésiter sa plus belle plume et écrire à la Ministre de l’époque pour plaider mon cas auprès d’elle…

Qui d’autre l’aurait fait, au milieu d’une carrière et de responsabilités qui le plaçaient à des années-lumière de tout cela ?

Pour ceci, et aussi pour un certain Bruckner – ce représentant du romantisme tardif qu’il n’aimait guère et qu’il mit des années à considérer digne d’être dirigé par lui – je veux dire aujourd’hui : vraiment merci… »

Patrick Crispini, extrait d’une interview
à Radio Notre-Dame, Paris, 2010