La Section Artistique

« J’ai fait partie de la première volée de cette nouvelle expérience pédagogique.
Il y avait un côté pionnier, exaltant. J’en garde un souvenir magnifique » (Patrick Crispini)

À la rentrée de septembre 1970, le Collège [de Genève] comptait […] une section de plus : la section artistique, dont la première volée – 26 élèves – entrait à Voltaire. Les initiateurs de cette section était partis de la conviction que les disciplines artistiques (musicales ou plastiques) font partie du patrimoine culturel aussi bien que les lettres et les sciences, et que leur pratique approfondie a une valeur formative comparable à celle de l’apprentissage d’une langue […] L’enseignement général conservait l’essentiel de celui que dispensaient les autres sections: il était aménagé de manière à laisser une dizaine d’heures, sur un total de 33 ou 34, à la disposition de la musique ou des arts.

Quand élèves et parents eurent compris que la section artistique n’était pas une école d’art spécialisée, mais bien une section gymnasiale comparable aux autres, quand les porteurs de maturité artistique se furent inscrits dans diverses Facultés et y eurent connu le même succès que leurs camarades d’autres sections, le développement de l’Artistique fut constant […]

Texte extrait de Petite histoire des collèges de Genève – © AECV (tous droits réservés)

Une vision plus que jamais d’actualité !

Dans l’organisation scolaire d’hier qui conduisait aux diverses maturités [Baccalauréat en Suisse] et par conséquent à l’université, seules certaines branches abstraites faisant plus particulièrement appel à l’attention intellectuelle, à la mémoire et à la réflexion, étaient vraiment considérées comme capables de donner ce que l’on appelait une culture « générale ». L’épanouissement des qualités artistiques, de créativité imaginative et de perception sensorielle, était tenu pour peu important, lié d’ailleurs aux arts « d’agréments », et qui dit « agrément» dit «futile» ! Or, on s’est aperçu que le monde moderne a de plus en plus besoin de jeunes possédant une formation plus complète et plus variée et que, par conséquent, la « culture générale » devait inclure des notions d’esthétique, la connaissance des beaux-arts et de l’histoire de l’art. Celle-ci par exemple n’est-elle pas plus importante – parce que plus significative – que l’étude de l’évolution irrationnelle, politique et militaire, des États de la planète ?

Jusqu’à maintenant, de nombreux élèves avaient tenté, et parfois réussi, la préparation d’une maturité tout en poursuivant des études au Conservatoire ou dans une école de peinture; mais beaucoup avaient dû renoncer à ce très gros effort, abandonnant soit le collège, soit le conservatoire, soit parfois les deux ! Aussi la direction générale de l’enseignement secondaire a-t-elle étudié la possibilité de créer une maturité dite artistique où quelques branches traditionnelles seraient en partie remplacées par un enseignement artistique dispensé dans les écoles d’art ou de musique subventionnées. Il fallait s’assurer que l’Université accepte ce diplôme : des tractations ont abouti, en particulier avec la faculté des lettres […].

André Chavanne (1916-1990) Conseiller d’État, chargé de l’instruction publique
Texte extrait de la brochure publiée à l’occasion de la création de la section artistique,
© Département de l’instruction publique du Canton de Genève, 1970

DEUX ARTICLES PARUS DANS « L’ÉCHO ILLUSTRÉ » EN 1971 et LA TRIBUNE DE GENÈVE en 1974
Télécharger le document au format PDF

Raison d’être

La culture ne sauve rien ni personne, elle ne justifie pas.
Mais c’est un produit de l’homme :
il s’y projette, s’y reconnaît; seul, ce miroir critique lui offre son image.
Jean-Paul Sartre

Il est des esprits qui ne sont tout à fait à leur aise ni dans les disciplines strictement littéraires ni dans les disciplines scientifiques et qui ne trouvent leur plein épanouissement que dans l’étude et la pratique d’un art. On doit cependant reconnaître que jusqu’ici l’enseignement secondaire n’a pas fait aux arts la place qu’ils méritent. Personne pourtant ne songe à contester leur valeur formative : exigeant aussi bien le sens de la collaboration que des qualités individuelles, ils développent la sensibilité, l’imagination et l’instinct créateur. Certes, on dira qu’il est possible de les cultiver tout en poursuivant des études générales. Mais la tâche est malaisée; le plus souvent, il faut abandonner l’une des activités. Ceux qui renoncent à la pratique de l’art en éprouvent un sentiment de frustration ; ceux qui renoncent à obtenir une maturité souffrent pins tard d’un manque de culture générale préjudiciable à leur carrière.
La section artistique vient donc combler une lacune. Elle doit permettre aux jeunes gens doués d’un sens artistique de le développer pendant les années décisives de leur formation sans pour autant qu’ils se ferment les portes des études universitaires.
À ceux qui se destinent à l’enseignement d’un art, elle donnera la formation de base la plus appropriée. Elle apportera aux futurs professionnels la culture générale indispensable à leur épanouissement. Quant à ceux qui ne pratiquent l’art qu’en amateurs, ils lui devront d’en avoir une expérience véritable. La section artistique ne prétend pas se substituer aux écoles d’art existantes. Son objectif principal reste le certificat de maturité grâce auquel ses élèves pourront, s’ils le veulent, entrer à l’Université. C’est pourquoi toutes les disciplines y seront enseignées avec les mêmes exigences que dans les autres sections. Ainsi conçue, la section artistique fera de l’école un instrument toujours mieux adapté aux fonctions de plus en plus diversifiées qui l’attendent.

Texte extrait de la brochure publiée à l’occasion de la création de la section artistique,
© Département de l’instruction publique du Canton de Genève, 1970