Blog-notes

Accumule, puis distribue. Sois la partie du miroir de l’univers
la plus dense, la plus utile et la moins apparente.
(Feuillets d’Hypnos, René Char)

Mort d’une Chapelle

sous les bulldozers du progrès

par Patrick Crispini

La Chapelle des Buis, lavis sur papier, Philip Jamin (25/04/1848 – 15/02/1918) © BGE, Centre d’iconographie genevoise La Chapelle des Buis en 1881 © https://buis.egliselibre.ch/informations/histoire/

Sans crier gare on a décidé de détruire un des derniers vestiges du vieux quartier des Pâquis, la Chapelle des Buis datant de 1876, pour construire, à la place, une ignominie immobilière de plus.

Histoire de parachever l’enfer bétonné qui l’entourait déjà.

Un petit ilot de poésie au jardinet parfumé de roses, entouré de quelques grands arbres (il n’y en a plus guère dans ce quartier) où se réfugiaient mésanges et volatiles chanteurs.

Broyé par les pelles mécaniques du progrès, de l’efficacité et de la rentabilité.

Les voies du Seigneur sont impénétrables, d’autant plus que c’est l’Église qu’abritait cette petit maison en bois depuis tant d’années qui, semble-t-il, est le promoteur inspiré de ce beau gâchis…

« Une cathédrale est bien autre chose qu’une somme de pierres. Elle est géométrie et architecture. Ce ne sont pas les pierres qui la définissent, c’est elle qui enrichit les pierres de sa propre signification » écrivit Saint Exupéry.

Géométrie et architecture…

Sur le dernier pan de mur encore debout, ce matin, au milieu des gravats, on pouvait encore lire : « Dieu est amour »… Plus pour longtemps hélas, la messe est dite.

Tristes tropiques.

Cela n’a pas été long : « Dieu est amour » est tombé au champ d’honneur ce matin à 11h tapantes et retourné en poussière (voir la photo ci-dessus), faisant suite à l’éradication des haies de buis centenaires qui donnèrent leur nom à cette petite rue des Pâquis.

Je ne suis pas sûr que les Honneurs ne leur soient jamais rendus.

Je le fais donc ici … à ma manière.

Mon métier (chef d’orchestre) m’a conduit et me mène encore sur toutes les routes du monde, je vis à Paris, mais, je suis toujours resté fidèle à ce petit coin où j’ai passé mon enfance et où j’ai conservé le même pied-à-terre depuis…1976… soit plus de 40 ans !

Étrange attachement pour un quartier de ville qui, en somme, n’a plus de place – et depuis longtemps – pour l’exaltation des racines. « Le fruit est aveugle, c’est l’arbre qui voit », note René Char.

 Mais, après tout, qu’est-ce qu’une humble chapelle en bois dans une des villes les plus chères du monde… Une pauvre verrue dans la Genève du luxe. Il était temps de l’éradiquer.

Circulez, braves gens, il n’y a (plus) rien à voir.

PS :
Aujourd’hui, 20 novembre 2019, comme on pouvait s’y attendre, c’est le tour des arbres que l’on abat ! Et toujours dans l’indifférence générale..
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Photos : Patrick Crispini © transArtis Production novembre 2019