VOIX D’ENFANT

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voir aussi : Celui qui chantait toujours (BLOG-NOTES)

« Mais il ne se passe toujours rien, jusqu’à ce qu’une maîtresse d’école, ayant à son tour repéré sa voix, l’inscrive à un concours radiophonique, qu’il gagne avec les félicitations du jury. Ses interprétations du Vent de Carlo Boller et surtout de la Chanson du Chevrier de Gustave Doret – qui deviendra son air fétiche – passent le soir même sur les ondes de la radio : la réaction en masse d’auditeurs enthousiastes sature le standard téléphonique de la chaîne […] Grâce à sa voix (et non pas par son physique plutôt empoté !), il découvre alors la Méthode Jaques-Dalcroze ».

« Durant plusieurs années, il va chanter les belles chansons écrites par Monsieur Jaques […] et va participer à ce qu’on appelle des démonstrations – comme on dit  à l’Institut – obligé de porter le collant de danse et les chaussons qui lui déplaisent au plus haut point… Le voilà, muni du tambourin et du cerceau, sautillant et syncopant, ceint de la couronne de laurier, interprétant dans moult représentations l’air tant aimé par les romands du Roi demande une Reine du Jeu du Feuillu, cette farandole du printemps, ou les mélodies exquises du Petit Roi qui pleure… Il gagne encore quelques prix ici ou là. Du coup son nom commence à circuler dans le milieu musical : viennent alors les premiers engagements « sérieux ». D’abord au Grand-Théâtre de Genève, puis sur d’autres scènes européennes, pour y tenir les rôles d’enfants dans quelques œuvres du répertoire : Tosca de Puccini, Louise de Charpentier, La Flûte enchantée, Bastien et Bastienne…

J’ai été ce petit garçon. Dès mes huit ans je n’ai plus cessé de chanter et de voyager dans pas mal de pays pour cela, sans pour autant sacrifier ma scolarité. Dans cette période assez étonnante, je vais alors avoir l’opportunité de pouvoir côtoyer des musiciens renommés et des compositeurs comme Gian-Carlo Menotti ou Benjamin Britten, qui sembleront apprécier particulièrement mon type de voix d’enfant. De ce dernier, en particulier, je vais faire la rencontre lors d’une création en français de Let’s Make an Opera (Et si nous faisions un opéra), un petit bijou pour et par les enfants. Samuel Baud-Bovy, directeur du Conservatoire de Genève, à l’origine du projet, avait mis sur pied les séances de répétitions et une série de représentations avec des solistes professeurs de chant du Conservatoire, mais aussi des jeunes enfants, dans le petit théâtre de la Cour Saint-Pierre, aujourd’hui disparu […] Un peu plus tard, je reçus de sa part une partition chant/piano dédicacée de The little Sweep que j’ai conservée précieusement et un charmant petit mot d’encouragement… Grâce à son entremise, j’eus ensuite l’occasion de reprendre l’œuvre plusieurs fois, puis de m’attaquer à cet autre plat de résistance que représente le rôle du jeune Miles dans le chef-d’œuvre de Britten qu’est son opéra The Turn of the Screw (Le Tour d’écrou) d’après la nouvelle d’Henry James.

Il est temps, maintenant, que je raconte dans quelles conditions je perdis ma voix d’enfant.
Grâce à elle je venais de décrocher un des deux rôles principaux dans un film pour le grand écran, L’étranger, qui racontait la rencontre entre un petit garçon chanteur et un vagabond violoneux, gâchée par l’hostilité des habitants d’un village vaudois, avec une fin tragique. Du Ramuz… en plein renouveau du cinéma suisse ! Entre deux prises je me rendais en Autriche, en Italie, en Espagne, pour interpréter encore et toujours le Pie Jesu du Requiem de Fauré, le Laudate Dominum des Vêpres d’un confesseur de Mozart, ou l’un des trois enfants de la Flûte enchantée.

Je venais d’avoir quatorze ans : la vie était belle, exaltante, tout semblait « couler de source » […] »

Patrick Crispini, extrait de Celui qui chantait toujours, in Instants d’Années